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GAINSBOURG, Serge


Faut plus me la faire


Je suis allée au nord, je suis allée au sud

Je suis allée à l'est, je suis allée à l'ouest

Je suis allée si bas, qu'j'pensais plus remonter

Je suis allée si haut, qu'j'pensais plus retomber


J'ai vu des gens si riches qui n'savaient plus donner

J'ai vu des gens si pauvres qui n'savaient que donner

J'ai cru des gens si bons qui me voulaient du mal

Et d'autres si méchants qui me voulaient du bien


J'ai vécu des moments où je m'croyais la reine

Et d'autres où j'étais moins que moins, que moins que rien

Des moments où j'croyais avoir tout compris

Et le matin suivant ne plus comprendre rien


Des moments où j'voudrais bien ne plus exister, non

Mais ce qui est certain

Faut plus me la faire


Oh, vous qui m'écoutez ou qui n'm'écoutez pas

La vie est souffrance, qui l'a rendue comme ça?

Entendez le cri déchirant du nouveau-né

Refusant de quitter l'extase et l'innocence de l'éternité

De l'éternité, eh-eh eh


J'ai vu des gens promettre des monts et merveilles

Avec un cœur si dur comme un vieux tas de pierres

Et d'autres qui jamais ne m'avaient rien promis

Qui m'ont offert la grâce qui purifie


J'ai vu des gens se prendre tellement au sérieux

Qui ne sont que des pitres aux yeux de l'infini

Et d'autres qui sont pris pour des simples d'esprit

Qui sont les vrais seigneurs dans ce monde pourri


La décadanse


Tourne-toi

Non, contre moi

Non, pas comme ça

Et danse

La décadanse

Oui c'est bien

Bouge tes reins

Lentement

Devant les miens


Reste là

Derrière moi

Balance

La décadanse

Que tes mains

Frôlent mes seins

Et mon cœur

Qui est le tien


Mon amour

De toujours

Patience

La décadanse

Sous mes doigts

T'emmènera

Vers de lointains

Au-delà


Des eaux troubles

Soudain troublent

Mes sens

La décadanse

M'a perdue

Ah, tu me tues

Mon amour

Dis, m'aimes-tu


Je t'aimais

Déjà mais

Nuance

La décadanse

Plus encore

Que notre mort

Lie nos âmes

Et nos corps


Dieu

pardonnez nos

Offenses

La décadanse

A bercé

Nos corps blasés

Et nos âmes égarées



Requiem pour un con

Ecoute les orgues,
elles jouent pour toi .
Il est terrible

cet air là
J'espère que tu aimes,
c'est assez beau non ?
C'est le requiem

pour un con

Oui, je l'ai composé

spécialement pour toi
à ta mémoire de scélérat.
C'est un joli thème,
tu ne trouves pas ?
Semblable à toi même
Pauvre con

Voici les orgues
qui remettent ça.
Faut qu't'apprennes par cœur

cet air là
Que tu n'aies pas même
une hésitation
sur le requiem

pour un con

Quoi, tu me regardes,
tu n'apprécies pas?
Mais qu'est-ce qu'y a là dedans
qui t'plaît pas ?
Pour moi c'est idem,
que ça t'plaise ou non
J'te l'rejoue quand même
Pauvre con

Ecoute les orgues,
elles jouent pour toi.
Il est terrible

cet air là.
J'espère que tu aimes,
c'est assez beau non,
c'est le requiem

pour un con

Je l'ai composé

spécialement pour toi
à ta mémoire

de scélérat.
Sur ta figure blême
aux murs des prisons
j'inscrirai moi-même :

"Pauvre con"


Je suis venu te dire que je m'en vais

Je suis venu te dire que je m'en vais
Et tes larmes n'y pourront rien changer
Comme dit si bien Verlaine au vent mauvais
Je suis venu te dire que je m'en vais
Tu t'souviens de jours anciens et tu pleures
Tu suffoques, tu blêmis à présent qu'a sonné l'heure
Des adieux à jamais
Ouais je suis au regret
D'te dire que je m'en vais
Oui je t'aimais, oui mais

Je suis venu te dire que je m'en vais
Tes sanglots longs n'y pourront rien changer
Comm'dit si bien Verlaine au vent mauvais
Je suis venu te dire que je m'en vais
Tu t'souviens des jours heureux et tu pleures
Tu sanglotes, tu gémis à présent qu'a sonné l'heure
Ouais je suis au regret
De te dire que je m'en vais
Car tu m'en as trop fait.


Toi qui rêves au velours des vierges

Toi qui rêves au velours des vierges
Aux satins innocents
Ces jeunes sirènes émergent
D'un océan de sang

Regarde-les s'approcher
Comme légions d'amazones
Venues braver les cyclones
Jeunes et brillants archers
Leur arc et leurs yeux bandés
S'aventurant dans des zones
Inexplorées

Toi qui rêves au velours des vierges
Aux satins innocents
Ces jeunes sirènes émergent
D'un océan de sang

Vois-tu là-bas leurs chevaux
Courir un vent de folie
La hargne de ces furies
Leur passant par les naseaux
Ils se jettent à l'assaut
Se ruant à l'agonie
Au grand galop

Toi qui rêves au velours des vierges
Aux satins innocents
Ces jeunes sirènes émergent
D'un océan de sang

Cohortes en rangs serrés
S'éloignent les filles d'Eve
A la lueur de ton glaive
Va-t'en compter les blessés
Là-bas l'un s'est relevé
Et te supplie dans ton rêve
De l'achever

Toi qui rêves au velours des vierges
Aux satins innocents
Tes romans-fleuves ont des berges
Aux sables émouvants


Les petits papiers

Laissez parler les petits papiers

A l'occasion, papier chiffon

Puissent-ils un soir, papier buvard

Vous consoler

Laissez brûler les petits papiers

Papier de riz ou d'Arménie

Qu'un soir ils puissent, papier maïs

Vous réchauffer

Un peu d'amour, papier velours

Et d'esthétique, papier musique

C'est du chagrin, papier dessin

Avant longtemps

Laissez glisser, papier glacé

Les sentiments, papier collant

Ca impressionne, papier carbone

Mais c'est du vent

Machins Machines, papier machine

Faut pas s'leurrer, papier doré

Celui qui touche, papier tue-mouche

Est moitié fou

C'est pas brillant, papier d'argent

C'est pas donner, papier monnaie

Ou l'on en meure, papier à fleurs

Ou l'on s'en fout

Laissez parler les petits papiers

A l'occasion, papier chiffon

Puissent-ils un soir, papier buvard

Vous consoler

Laissez brûler les petits papiers

Papier de riz ou d'Arménie

Qu'un soir ils puissent, papier maïs

Vous réchauffer


Melody

Les ailes de la Rolls effleuraient des pylônes

Quand m'étant malgré moi égaré

Nous arrivâmes ma Rolls et moi dans une zone

Dangereuse, un endroit isolé

Là-bas, sur le capot de cette Silver Ghost

De dix-neuf cent dix s'avance en éclaireur

La Vénus d'argent du radiateur

Dont les voiles légers volent aux avant-postes

Hautaine, dédaigneuse, tandis que hurle le poste

De radio couvrant le silence du moteur

Elle fixe l'horizon et l'esprit ailleurs

Semble tout ignorer des trottoirs que j'accoste

Ruelles, culs-de-sac aux stationnements

Interdits par la loi, le cœur indifférent

Elle tient le mors de mes vingt-six chevaux-vapeur

Princesse des ténèbres, archange maudit

Amazone modern style que le sculpteur

En anglais, surnomma Spirit of Ecstasy

Ainsi je déconnais avant que je ne perde

Le contrôle de la Rolls, j'avançais lentement

Ma voiture dériva et un heurt violent

Me tira soudain de ma rêverie, merde!

J'aperçus une roue de vélo à l'avant

Qui continuait de rouler en roue libre

Et comme une poupée qui perdait l'équilibre

La jupe retroussée sur ses pantalons blancs


Tu t'appelles comment?

Melody

Melody comment?

Melody Nelson

Melody Nelson a les cheveux rouges

Et c'est leur couleur naturelle


Le poinçonneur des Lilas

Je suis le poinçonneur des Lilas

Le gars qu'on croise et qu'on n' regarde pas

Y a pas de soleil sous la terre

Drôle de croisière

Pour tuer l'ennui j'ai dans ma veste

Les extraits du Reader Digest

Et dans ce bouquin y a écrit

Que des gars se la coulent douce à Miami

Pendant ce temps que je fais le zouave

Au fond de la cave

Paraît que y a pas de sot métier

Moi je fais des trous dans des billets

Je fais des trous, des petits trous, encore des petits trous

Des petits trous, des petits trous, toujours des petits trous

Des trous de seconde classe

Des trous de première classe

Je fais des trous, des petits trous, encore des petits trous

Des petits trous, des petits trous, toujours des petits trous

Des petits trous, des petits trous

Des petits trous, des petits trous

Je suis le poinçonneur des Lilas

Pour Invalides changer à Opéra

Je vis au cœur de la planète

J'ai dans la tête

Un carnaval de confettis

J'en amène jusque dans mon lit

Et sous mon ciel de faïence

Je ne vois briller que les correspondances

Parfois je rêve je divague

Je vois des vagues

Et dans la brume au bout du quai

Je vois un bateau qui vient me chercher

Pour me sortir de ce trou où je fais des trous

Des petits trous, des petits trous, toujours des petits trous

Mais le bateau se taille

Et je vois que je déraille

Et je reste dans mon trou à faire des petits trous

Des petits trous, des petits trous, toujours des petits trous

Des petits trous, des petits trous

Des petits trous, des petits trous

Je suis le poinçonneur des Lilas

Arts-et-Métiers direct par Levallois

J'en ai marre j'en ai ma claque

De ce cloaque

Je voudrais jouer la fille de l'air

Laisser ma casquette au vestiaire

Un jour viendra j'en suis sûr

Où je pourrais m'évader dans la nature

Je partirai sur la grande route

Et coûte que coûte

Et si pour moi il n'est plus temps

Je partirai les pieds devant

Je fais des trous, des petits trous, encore des petits trous

Des petits trous, des petits trous, toujours des petits trous

Y a de quoi devenir dingue

De quoi prendre un flingue

Se faire un trou, un petit trou, un dernier petit trou

Un petit trou, un petit trou, un dernier petit trou

Et on me mettra dans un grand trou

Où je n'entendrai plus parler de trou plus jamais de trou

De petits trous de petits trous de petits trous


Overseas telegram


Je voudrais que ce télégramme

Soit le plus beau télégramme

De tous les télégrammes

Que tu recevras jamais


Découvrant mon télégramme

Et lisant ce télégramme

A la fin du télégramme

Tu te mettes à pleurer


Je sais que ce télégramme

Est le dernier télégramme

De tous les télégrammes

Que je t'enverrai jamais


Tu auras ce télégramme

Comme les autres télégrammes

Par l'Overseas Telegram

et le post office anglais



Initials B.B.

Une nuit que j'étais

À me morfondre

Dans quelque pub anglais

Du cœur de Londres

Parcourant l'Amour Monstre de Pauwels*

Me vint une vision

Dans l'eau de Seltz


The initials, the initials, the initials B.B

The initials, the initials, the initials B.B


Tandis que des médailles

D'impérator

Font briller à sa taille

Le bronze et l'or

Le platine lui grave

D'un cercle froid

La marque des esclaves

À chaque doigt


The initials, the initials, the initials B.B

……

Jusques en haut des cuisses

Elle est bottée

Et c'est comme un calice

À sa beauté

Elle ne porte rien

D'autre qu'un peu

D'essence de Guerlain

Dans les cheveux

The initials, the initials, the initials B.B

…..

A chaque mouvement, on entendait

Les clochettes d'argent de ses poignets

Agitant ses grelots, elle avança

Et prononça ce mot : Alméria

* Louis Pauwels: écrivain français



L’eau à la bouche


Écoute ma voix, écoute ma prière

Écoute mon cœur qui bat, laisse-toi faire

Je t'en prie ne sois pas farouche

Quand me vient l'eau à la bouche


Je te veux confiante, je te sens captive (captiver)

Je te veux docile, je te sens craintive (craintif)

Je t'en prie ne sois pas farouche

Quand me vient l'eau à la bouche


Laisse-toi au gré du courant

Porter dans le lit du torrent

Et dans le mien

Si tu veux bien

Quittons la rive

Partons à la dérive


Je te prendrais doucement et sans contrainte

De quoi as-tu peur allons n'aie nulle crainte

Je t'en prie ne sois pas farouche

Quand me vient l'eau à la bouche


Cette nuit près de moi tu viendras t'étendre

Oui je serai calme je saurai t'attendre

Et pour que tu ne t'effarouches

Vois, je ne prends que ta bouche