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CAMOLETTI, Marc



Boeing Boeing

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Berthe : Alors Monsieur me dira ? Quand Mlle Jacqueline... À cause de la viande...

Bernard : Oui, c'est entendu, je vous dirai. Mais elle ne va certainement plus tarder. (Regardant sa montre.) À l'heure qu'il est elle doit se poser, surtout si elle a eu vent arrière.

Berthe : Eh bien ! Espérons que Mlle Jacqueline a eu vent arrière parce que moi, j'ai déjà mis la viande ! (Elle est sortie.)

Bernard : Cette bonne ! Je te jure !

Robert : Elle a un sale caractère ?

Bernard : Non, pas spécialement, elle est comme ça ! Il faut dire qu'elle est un peu débordée avec ces changement de cuisine.

(Il pose distraitement la lettre sur un meuble.)

Robert : Oui, ça l'embête ! Mais dis donc, avec ton roulement... ce chassé-croisé perpétuel, une qui est là... une décolle... une qui atterrit... une qui est déjà en l'air, il se pourrait très bien qu'il y en ait deux qui se trouvent à Paris pour passer la nuit, en même temps ?

Bernard : Impossible ! À cause des fuseaux horaires. Et même en admettant que ça arrive, qu'il y en ait une qui atterrisse au moment où celle qui devait décoller ne décolle pas, je resterais avec celle qui ne décolle pas et j'irais passer la nuit à Saint-Germain-en-Laye, par exemple, histoire de changer un peu d'air !

Robert : Oui, très bien ! Mais pendant ce temps-là, celle qui atterrirait, qu'est-ce qu'elle deviendrait ?

Bernard : Eh bien ! elle rentrerait à la maison... Enfin viendrait ici.

Robert : Elle a une clé ?

Bernard : Évidemment, chacune a sa clé ! Et puis Berthe est là. Si ça arrivait, elle annoncerait à celle qui atterrit que je suis retenu en province pour affaires. Le lendemain, celle qui devait décoller la veille, décollerait. De Saint-Germain-en-Laye, je l'amènerais directement à Orly, je la mettrais dans son avion, j'agiterais mon mouchoir et je reviendrais paisiblement ici, où on m'attendrait depuis la veille les bras ouverts ! Donc, tu vois, même en cas d'imprévu, pas de panique. Ce n'est pas génial ?

Robert : Ah ! si, si, c'est génial, mais c'est dégoûtant ! Tu ne les aimes pas !

Bernard : Ah ! non ! Ne dis pas ça ! Je les adore ! Seulement je les aime toutes les trois autant ! Je les aime au point que je ne peux pas me passer des trois ! Je les aime tellement que, s'il y en a une qui me demande de lui faire un cadeau, je le lui fais, mais j'en achète trois, parce que je ne veux pas que mes deux autres femmes soient lésées sans le savoir; Ça me ferait une peine atroce !

Robert : Oui, ça c'est gentil ! Mais tu ne m'as pas convaincu. Moi, je suis quand même pour le mariage, le vrai, bien pépère et tranquille, avec une seule femme, et tout ce que ça comporte. compensé par les avantages sociaux.

Bernard : Tu as tort...

Robert : Remarque que, de toute manière, je suis très content de ton invitation, d'abord parce que je ne sais pas où aller, et puis ensuite, je serais quand même curieux de te voir opérer.

Bernard : Tu verras. Tu t'instruiras ! Tu n'auras qu'à regarder et tu t'apercevras que c'est la reine des vies. Ah ! tiens, un détail en passant : mes trois femmes ont la même initiale à leur prénom, « J » Jacqueline, Janet, Judith. Ce n'est pas indispensable, mais ça s'est trouvé comme ça. C'est une sécurité supplémentaire. Il peut traîner un mouchoir...

Robert : Oui, bien sûr.

Bernard : Quoique avec Berthe, je suis tranquille {Berthe revient.) Qu'est-ce que c'est ? Qu'est-ce que vous voulez ?

Berthe : Je ne veux rien, Monsieur. Je fais mon métier de bonne.

Bernard : Je vous paie pour ça.

Berthe : Justement, Monsieur. Alors, comme l'Amérique vient de partir, et que la France arrive, faut que je fasse la chambre.

Bernard : Ah ! c'est vrai ! Vous avez raison.

Robert : Elle pense à tout, hein ?

Berthe : Je suis là pour ça, Monsieur, Je suis là pour ça ! Si je n'étais pas là, je me demande ce qui arriverait à Monsieur, avec cette vie. (Elle a traversé la scène et se trouve devant la porte jardin face .). Puisque Mlle Jacqueline est simplement en transit pour deux heures, inutile que je fasse tout, n'est-ce pas. Monsieur ?

Bernard : Mais oui, très bien.

Berthe : Je referai la chambre à fond, après son départ, avant l'arrivée de l'Allemagne.

Bernard : C'est ça, c'est ça, parfait !

Berthe : Parfait ? Oui, si on veut ! Pas pour économiser le travail en tout cas.

(Elle sort face jardin.)

Robert : Elle est précieuse.

Bernard : Ah ! ça, oui. Elle rouspète tout le temps, mais elle connaît la routine. Tu verras d'ailleurs. Il est indispensable d'avoir du personnel au courant, pour que la maison ait toujours l'aspect en attente d'une arrivée et jamais celui du désordre d'un départ qui vient d'avoir lieu.

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