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LEIBNIZ, Gottfried Wilhelm

La monade

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La monade, dont nous parlons ici, n'est autre chose qu'une substance simple qui entre dans les composés ; simple, c'est-à-dire, sans parties.

Et il faut qu'il y ait des substances simples, puisqu'il y a des composés : car le composé n'est autre chose qu'un amas ou agrégat des simples.

Or là où il n'y a point de parties, il n'y a ni étendue, ni figure, ni divisibilité possible ; et ces monades sont les véritables atomes de la nature, et en un mot, les éléments des choses.

Il n'y a aussi point de dissolution à craindre, et il n'y a aucune manière concevable par laquelle une substance simple puisse périr naturellement.

Par la même raison, il n'y en a aucune par laquelle une substance simple puisse commencer naturellement, puisqu'elle ne saurait être formée par composition.

Ainsi on peut dire que les monades ne sauraient commencer ni finir que tout d'un coup ; c'est-à-dire, elles ne sauraient commencer que par création, et finir que par annihilation, au lieu de ce qui est composé commence ou finit par parties.

Il n'y a pas moyen aussi d'expliquer comment une monade puisse être altérée ou changée dans son intérieur par quelque autre créature, puisqu'on n'y saurait rien transposer, ni concevoir en elle aucun mouvement interne qui puisse être excité, dirigé, augmenté ou diminué là-dedans, comme cela se peut dans les composés où il y a du changement entre les parties. Les monades n'ont point de fenêtres par lesquelles quelque chose y puisse entrer ou sortir. Les accidents ne sauraient se détacher ni se promener hors des substances comme faisaient autrefois les espèces sensibles des scolastiques. Ainsi, ni substance ni accident ne peut entrer de dehors dans une monade.

Cependant, il faut que les monades aient quelques qualités, autrement ce ne seraient pas même des êtres ; et si les substances simples ne différaient point par leur qualités, il n'y aurait point de moyen de s'apercevoir d'aucun changement dans les choses puisque ce qui est dans le composé ne peut venir que des ingrédients simples ; et les monades étant sans qualités seraient indistinguables l'une de l'autre, puisque aussi bien elles ne diffèrent point en qualité ; et, par conséquent, le plein étant supposé, chaque lieu ne recevrait toujours dans le mouvement que l'équivalent de ce qu'il avait et un état des choses serait indiscernable de l'autre.

Il faut même que chaque monade soit différente de chaque autre ; car il n'y a jamais dans la nature deux êtres qui soient parfaitement l'un comme l'autre, et où il ne soit possible de trouver une différence interne ou fondée sur une dénomination intrinsèque.

Je prends aussi pour accordé que tout être créé est sujet au changement, et par conséquent la monade créée aussi, et même que ce changement est continuel dans chacune

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