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BOULLE, Pierre



La planète des singes

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Jamais je n'oublierais l'impression que me causa son apparition. Je retins ma respiration devant la merveilleuse beauté de cette créature de Soror, qui se révélait à nous, éclaboussée d'écume, illuminée par le rayonnement sanglant de Bételgeuse. C'était une femme ; une jeune fille, plutôt, à moins que ce fût une déesse. Elle affirmait avec audace sa féminité à la face de ce monstrueux soleil, entièrement nue, sans autre ornement qu'une chevelure assez longue qui lui tombait sur les épaules.
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Ces singes, tous ces singes, disait la voix avec une nuance d’inquiétude, depuis quelque temps, ils se multiplient sans cesse, alors que leur espèce semblait devoir s’éteindre à une certaine époque. Si cela continue, ils deviendront presque aussi nombreux que nous… Et il n’y a pas que cela. Ils deviennent arrogants. Ils soutiennent notre regard. Nous avons eu tort de les apprivoiser et de laisser une certaine liberté à ceux que nous utilisons comme domestiques. Ce sont ceux-là les plus insolents. L’autre jour, j’ai été bousculée dans la rue par un chimpanzé. Comme je levais la main, il m’a regardée d’un air si menaçant que je n’ai pas osé le battre.
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Le pont sur la rivière Kwai

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L'abime infranchissable que certains regards voient creusé entre l'âme occidentale et l'âme orientale n'est peut-être qu'un effet de mirage.

Peut-être n'est-il que la représentation conventionnelle d'un lieu commun sans base solide, un jour perfidement travesti en aperçu piquant, dont on ne peut même pas invoquer la qualité de vérité première pour justifier l'existence ?

Peut-être la nécessité de "sauver la face" était-elle dans cette guerre, aussi impérieuse, aussi vitale, pour les Britanniques que pour les Japonais ?

Peut-être réglait-elle les mouvements des uns, sans qu'ils en eussent conscience, avec autant de rigueur et de fatalité qu'elle commandait ceux des autres, et sans doute ceux de tous les peuples ?

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- Ecoutez-moi tous. Vous savez en quoi consiste l’œuvre à laquelle Sa Majesté impériale a bien voulu associer les prisonniers britanniques. Il s’agit de relier les capitales de Thaïlande et de Birmanie, à travers quatre cents milles de jungle, pour permettre le passage des convois nippons et ouvrir la route du Bengale à l’armée qui a libéré ces deux pays de la tyrannie européenne. Le nippon a besoin de cette voie ferrée pour continuer la série de ses victoires, conquérir les Indes et terminer rapidement cette guerre.

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