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ORMESSON, Jean d’



Au plaisr de Dieu

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Les miens n'avaient aucun orgueil à titre d'individus. Ils le réservaient tout entier à l'ensemble de la famille. Peut être une partie de ce que je vais vous raconter pourra-t-elle s'expliquer par ce rôle assez mince que jouaient les individus dans notre vie collective. Aucun d'entre nous ne comptait par lui même. Ce qui comptait c'était cette lignée qui avait débuté un jour, presque en même temps que l'histoire, et qui se poursuivait à travers le monde, sous tant de forme différentes, sous tant d'uniformes opposés, dans tant de pays divers, et toujours simultanément, par un mystère adorable à tant d'époques si éloignées.

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Le sens de la famille,l'amour de Dieu, un certain abandon à la force des choses n'avait pas développé chez nous la croyance au libre arbitre et à la responsabilité. Le responsable c'était Dieu. La décision lui appartenait. Et la liberté : une faribole. Chacun était mené par son passé, par ses souvenirs, par la présence absente des morts, par tout le poids de la tradition

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Nous portions un monde en nous, mais nous ne le savions pas. L'instrument de cet découverte dont je peux bien dire qu'elle bouleversa nos vie, ce furent les livres. M Comte ne fit peut être qu'un chose mais elle fut décisive: il nous appris à lire
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Chaque membre de la famille parait mener désormais sa propre existence. Nous n'en sommes pas encore aux déchaînements d'individualisme qui marqueront notre deuxième après-guerre. Mais à l'intérieur même du groupe, les modes de vie commencent déjà à se différencier. Il n'y a plus cette collectivité, cet organisme, cette totalité qui s'appelait la famille. IL y a Un Tel, et puis Un Tel et puis encore Un Tel. Ils portent le même nom , voilà tout. Au plaisir de Dieu. La devise de la famille, elle aussi change lentement de sens. Une vague nuance d'insolence et de fatalité l'emporte insensiblement sur la notion de triomphe au sein de la soumission.

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Nous voilà ruinés. Ce n'était rien. D'abord naturellement, parce que l'argent ne comptait pas. Et aussi parce que la ruine, comme souvent dans les familles bourgeoises, nous laissait de beaux restes, de quoi tenir notre rang et vivre très largement.
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