DE STAERCKE, André



Tout cela a passé comme une ombre


On n’a jamais su exactement dans quelles circonstances le Prince était revenu du maquis. Avec la hantise du secret dont il entoura toujours sa vie personnelle, il voulait imposer un silence rigoureux sur toute l’aventure. Voici pourtant le récit d’un officier qui particpa à l’expédition organisée pour le ramener. Seul le baron de Maere, alors major et aide de camp du Prince, savait exactement où il se trouvait. Lorque les alliés entrèrent à Bruxelles, le 3 septembre, le baron Goffinet et le baron de Maere se rendirent immédiatement à l’état-major anglais. Ils réclamèrent le privilège de pouvoir, avec d’autres Belges, libérer le Prince qui se trouvait aux environs de Liège. Le commandement anglais acquiesca immédiatement et promit son aide. Comme la région indiquée était encore aux mains des Allemands, les Anglais proposèrent d’aviser le major de Maere aussitôt que l’expédition pourrait être tentée. …... Le 11 septembre, le raid eut lieu. De grand matin, trois voitures partirent. Dans la première, étaient le major de Maere et le baron Goffinet. Dans la deuxième, le major de Thy. Tout le petit groupe était en uniforme belge. Il fallait passer le pont de bateaux à Liège et s’y trouver à une heure déterminée afin de s’intégrer dans le mouvement synchronisé des convois montants et descendants. Au-delà de Liège, on s’engagea dans la file des camions américains sur la route de Verviers. On les abandonna bientôt pour prendre un raccourci. Mais le major de Thy, avisé par un membre de la résistance qui lui avait fait signe, parvint à rattraper la première voiture avant qu’elle n’atteignît un petit bois où se cachaient encore des Allemands. Il fallut revenir à l’ancienne route et suivre les convois jusqu’à un village où tir de pièces d’artillerie ennemies laissées en arrière par l’avance alliée força les Belges à se mettre à couvert. Le major de Maere décida de partir là pour chercher le Prince. Il monta dans une jeep de l’armée américaine et revint une heure après avec le comte de Flandre qui, suivant mon informateur, se trouvait probablement à Spa. Le Prince salua ceux qui l’attendaient et on repartit immédiatement pour Bruxelles.

Il fallait encore convaincre le prince Charles d’accepter la régence. M. Pierlot vit d’abord le baron Goffinet dans la soirée du mardi 12 septembre. Il trouva devant lui un homme décidé à l’aider, mais dont la tâche n’était pas facile. Naturellement hésitant et effacé, le comte de Flandre s’effrayait de la responsabilité qu’on voulait placer sur ses épaules. Son désir était de refuser. Bien plus tard, il me dit un jour que la baron Goffinet l’avait littéralement forcé à devenir régent et qu’il l’avait menacé, au cours de la discussion, de ne plus jamais lui serrer la main s’il se dérobait. Il fut convenu que le Premier Ministre se rendrait au Palais le lendemain en fin d’après-midi pour proposer au Prince sa nomination et vaincre ses dernières résistances.

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Quand le Premier Ministre était reçu au Palais, à 18 heures 30, le 13 septembre, il aborda la question comme si elle ne pouvait recevoir une réponse négative. Le devoir d’un cadet de famille royale, fit-il remarquer au Prince, était de s’effacer quand le Roi était là et de le remplacer quand il était absent. Un refus ne serait pas concevable. Le seul problème était de s’acquitter au mieux des fonctions temporaires de la régence.

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