CHARTIER, Alain
Au feu, au feu qui trestout mon coeur ard
Au feu, au feu qui trèstout mon coeur ard*
Par un brandon tiré d'un doux regard
Tout enflambé d'ardent desir d'amours !
Grace, merci, confort et bon secours,
Ne me laissez brûler, si Dieu vous gard.
Flambe, chaleur, ardeur par tout s'épart,
Etincelles et fumée s'en part;
Embrasé suis du feu qui croît toujours.
Au feu, au feu !
Tirez, boutez, chassez tout à l'écart
Ce dur danger, guettez de toute part
Eau de pitié, de larmes et de pleurs.
A l'aide, hélas ! Je n'ai confort ailleurs.
Avancez-vous, ou vous viendrez trop tard !
Au feu, au feu !
* brûle
L’Espérance ou Consolation des Trois Vertus*
Chétive créature humaine,
Née à travail et à peine,
De frêle corps revêtue,
Tant es faible et tant es vaine
Tendre, passible, incertaine,
et de léger abattue!
Ton penser te dévertue,
Ton fol sens te nuit et tue,
Et à non-savoir te mène,
Tant es de pauvre venue
Que tu ne peux vivre saine,
Si des dieux n’es soustenue.
* Foi, Espérance et Charité.
Triste plaisir et douloureuse joye
Triste plaisir et douloureuse joie,
Aspre douceur, déconfort ennuyeux,
Ris en pleurant, souvenir oublieux
M’acompagnent, combien que seul je soie.
Embûché sont, afin qu’on ne les voie
Dedans mon coeur, en l’ombre de mes yeux.
Triste plaisir et amoureuse joie !
C’est mon trésor, ma part et ma monoye;
De quoi Danger est sur moi envieux
Bien le sera s’il me voit avoir mieux
Quand il a deuil de ce qu’Amour m’envoie.
Triste plaisir et douloureuse joie.
Près de ma dame et loing de mon vouloir
Près de ma dame et loin de mon vouloir,
Plain de désir et crainte tout ensemble,
Le coeur me faut et le parler me tremble,
Quand dire dois ce que me faut vouloir.
Je dis : Belle, vous me faites douloir,
Mais au besoin crainte mon propos m’emble*
Pres de ma dame et loin de mon vouloir.
Or ai je mis toutes à nonchaloir
Pour une seule a qui tout bien s’assemble.
Oserai-je me débucher du tremble,
Pour requérir ce qui me prêtes valoir
Près de ma dame et loin de mon vouloir ?
(*) me ravit
Ou mon desir m’assouvira
Ou mon désir m’assouvira,
Ou ma tristesse m’occira
Pour vous, belle, prochainement,
Si mon coeur quiert l’allègement
Du mal que pour vous servir a.
Un de ces deux me suffira,
N’espoir plus ne me mentira,
Si j’ai de parler hardiment,
Ou mon désir m’assouvira.
Tout bien ou tout mal m’en ira,
Car quand votre bouche dira
Oui ou nenni, tout seulement,
Elle asserra le jugement
Dont mon deuil o* moi finira
Ou mon désir m’assouvira.
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