LOOTEN, Emmanuel



Ostende


Noir et sang, te voici, Ostende eclaboussante,

L'oeil pers à cent reflets de marins et poissons,

Sensuelle et femelle au charme digital;

Ostensoir incessant en ce tournoi passant.


Côte farouche et drue, ostentation douce.

La mer à charme glauque sous l'acceuil améthyste,

Une ville drossée en rues blanchies comme d'écume;

Et ce rêve marin où les filles s'allument...


Brouillards ghelderodiens au vert rictus d'Ensor,

Les masques qu'une automne emboucque de plein vent,

Violences du sable aux blandices du ciel,

Métal des ouragans à rude voix sonore...


Ville de port dans la somptueuse clameur de nos plaines,

Nuit gercée de fluor, plaisirs-spasmes.

O mondaine toi comme soleil! et l'abois violet

Du Nord indéfini aux chevelures d'or...


Toi Flandre


Je n'en puis plus d'aimer

Ces terres d'humus gras, pétales de ma tourbe,

Horizons éventrés de ces gris violents,

Plaine de tons meurtris,

La douceur feutrée des bois verts d'eau.

Nos plages lacérées du Nord

Aux spasmes effrayés:

O ma charnelle,

O ma charnelle Flandre, béguine de l'humus...

Ce magna délicat aux douceurs flamboyées

Un gris taiseux, baillon de cendres-ciel.

Je n'en puis plus d'aimer l'infini paysage,

Sauvagerie des vents et de la mer,

Ton coeur brassé de sable, brasé de ces gris pourpre,

O ma Flandre de Ciel!


Flandre-Fer

(Vu de wagon)


Durs canaux, froids et roides,

Hachant de noir les rousseurs folles de l'épi,

Verts flambant la rissole des ondes,

Filés de peupliers pulpeux;

Frileux ouragans de rugueux gris...


Ma plaine endiablée, ciel terre-véhicule,

Sauvagine des vents violets,

Gentiane d'un songe à son bleu-oxygêne...

S'échine un mur, à pierres vieilles,

Tout un départ de l'homme accroupi...

Picorés de couleur hot, armés au feu

D'étranges bleuissures, les chemins,

Or ce fer qui m'emporte et attire la terre.


Un soi tranquille plat de ces toits confondus:

Ma ville aux guenilles rouges

Eclate à chaque fois l'épouvantail tordu

Des signaux dont les oiseaux se rient;

Gorille herculéen, mon ciel...


Quand me trépide un train en sa carcasse brute,

Prés aux poils femmelins et moissons

Convulsées de valeurs rousses;

Vert-chou strié de bestiaux auburn.

Un cheval pie étrangle un clocher géométre,

Les saules épanchés et la beeke qui chante,

Dodues valeurs de terre...

Ma Flandre, ses lueurs rudement haloées,

La torture étamée des nuages,

Enfin ce miel à l'infini de la nuance.



La Nuit


La Nuit s'ouvrait, toute effacée comme une porte,

A ma Cité de Rêve en ce coeur habité,

Mes vents s'en vont d'étoiles où clapote le ciel.


Cils-frissons de paroles sans voix

Aux herbes lentes du mensonge

Repassant par ma peur à l'univers du Cri.


Ces vents qui déssèchent la mer,

A signes bleus de squale, à muscle d'ailes blanches

L'oeil-roc, miroir soleil, tout cet oeil seul.


Doigts grisement tendus aux routes des nuages

Aux vergers de velours, le genêt de mon aube,

Un ciel fin se cousait à ce lent voile bleu.


Un ciel sourd, jaune voilure raccourcie

Ma tempe est froide et patrie de mes aigles,

Sillons longs comme un blé...


A ma tendre famine, bras à corps d'azur noir,

Ca mes villes farcies, rues de sang,

Approchez, apprivoisons-nous!



Bergues


Mon Nord est froid d'un froid de fer.

Nos cieux offerts sont durs

en leur pâleur de tendre porcelaine.


Je vois ces vieux quais morts et les canaux herbus,

des pavés, l'orgueil de ma cité nouée

en ses murailles souveraines.


Mon pays s'ennoblit de ce qu'il a souffert,

Nul ne sera vainqueur de sa force d'attendre.

Ma Flandre est chaude comme un coeur.



Le spectre


Gisant de gris, en ce gris morfondu

Revenu de tous les âges (et de son)

Il vient du fond des temps en sa douleurs intense

Seul, le temps seul…comme lui, dépassé