NELLIGAN, Emile
Soir d’hiver
Ah ! comme la neige a neigé !
Ma vitre est un jardin de givre.
Ah ! comme la neige a neigé !
Qu’est-ce que le spasme de vivre
À la douleur que j’ai, que j’ai.
Tous les étangs gisent gelés,
Mon âme est noire ! où-vis-je ? où vais-je ?
Tous ses espoirs gisent gelés :
Je suis la nouvelle Norvège
D’où les blonds ciels s’en sont allés.
Pleurez, oiseaux de février,
Au sinistre frisson des choses,
Pleurez, oiseaux de février,
Pleurez mes pleurs, pleurez mes roses,
Aux branches du genévrier.
Ah ! comme la neige a neigé !
Ma vitre est un jardin de givre.
Ah ! comme la neige a neigé !
Qu’est-ce que le spasme de vivre
À tout l’ennui que j’ai, que j’ai !…
Tristesse blanche
Et nos coeurs sont profonds et vides comme un gouffre,
Ma chère, allons-nous-en, tu souffres et je souffre.
Fuyons vers le castel de nos Idéals blanc,
Oui, fuyons la Matière aux yeux ensorcelants.
Aux plages de Thule, vers l'île des Mensonges,
Sur la nef des vingt ans fuyons somme des songes.
Il est un pays d'or plein de lieds et d'oiseaux
Nous dormirons tous deux aux frais lits des roseaux.
Nous nous reposerons des intimes désastres,
Dans des rythmes de flûte, à la vase des astres.
Fuyons vers le château de nos Idéals blancs,
Oh ! fuyons la Matière aux yeux ensorcelants.
Veux-tu mourir, dis*-moi ? Tu souffres et je souffre,
Et nos coeurs sont profonds et vides comme en gouffre.