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SCHMITT, Eric-Emmanuel



La rêveuse d'Ostende

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En y arrivant à la nuit, je ne sus pas trop quoi penser. Si, en quelques points, la réalité d'Ostende convergeait avec mon rêve d'Ostende, elle m'imposait aussi des démentis violents: quoique l'agglomération se trouvât bien au bout du monde, en Flandre, dressée entre la mer des vagues et la mer des champs, encore qu'elle offrît une vaste plage, une digue nostalgique, elle révélait aussi comment les Belges avaient enlaidi leur côte sous prétexte de l'ouvrir au grand nombre. Barres d'immeubles plus hautes que des paquebots, logements sans goût ni caractère répondant à la rentabilité immobilière, je découvris un chaos urbain qui racontait l'avidité d'entrepreneurs tenant à capturer l'argent de la classe moyenne lors de ses congés payés. 

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….. j’avais toujours rêvé d’Ostende. […] Parce que le mot commence par un O d’étonnement puis s’adoucissait avec le s , il anticipait mon éblouissement devant une plage de sable lisse s’étendant à l’infini…

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Et l a mer du Nord avait des couleurs d'huître, du vert-brun des vagues au blanc nacré de l'écume ; ces teintes altérées aux nuances précieuses, alambiquées, me reposaient de mes éclatants souvenirs de Méditerranée, bleu pur et sable jaune, d'un chromatisme vif aussi primaire qu'un dessin d'enfant. À cause de ces tons assourdis qui évoquaient les délices iodés qu'on éprouve en dégustant des fruits de mer dans les brasseries, cette mer-là se présentait aussi comme plus salée.
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Comme autrefois, j’avançais jusqu’à mi mollets dans les vagues, inquiet de m’aventurer davantage. Comme autrefois, je me sentis minuscule sous un ciel infini, devant des flots infinis

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