MAROT, Clément
Je suis aimé de la plus belle
Je suis aimé de la plus belle
Qui soit vivant dessous les cieux :
Encontre tous faux envieux
Je la soutiendrai être telle.
Si Cupido doux et rebelle
Avait débandé ses deux yeux,
Pour voir son maintien gracieux,
Je crois qu'amoureux serait d'elle.
Vénus, la Déesse immortelle,
Tu as fait mon coeur bien heureux,
De l'avoir fait être amoureux
D'une si noble Damoiselle.
De soi-même
Plus ne suis ce que j'ai été,
Et ne le saurais jamais être.
Mon beau printemps et mon été
Ont fait le saut par la fenêtre.
Amour, tu as été mon maître,
Je t'ai servi sur tous les Dieux.
Ah si je pouvais deux fois naître,
Comme je te servirais mieux !
Du beau tétin
Tétin refait, plus blanc qu'un œuf,
Tétin de satin blanc tout neuf,
Tétin qui fait honte à la rose
Tétin plus beau que nulle chose ;
Tétin dur, non pas Tétin, voire,
Mais petite boule d'ivoire,
Au milieu duquel est assise
Une fraise, ou une cerise,
Que nul ne voit, ne touche aussi,
Mais je gage qu'il est ainsi.
Tétin donc au petit bout rouge,
Tétin qui jamais ne se bouge,
Soit pour venir, soit pour aller,
Soit pour courir, soit pour baller.
Tétin gauche, Tétin mignon,
Toujours loin de son compagnon,
Tétin qui porte témoignage
Du demeurant du personnage.
Quand on te voit, il vient à maint
Une envie (5) dedans les mains
De te tâter, de te tenir ;
Mais il se faut bien contenir
D'en approcher, bon gré ma vie,
Car il viendrait une autre envie.
O Tétin ni grand ni petit,
Tétin mûr, Tétin d'appétit,
Tétin qui nuit et jour criez :
« Mariez-moi tôt, mariez ! »
Tétin qui t'enfles, et repousses
Ton gorgerin de deux bons poulses
A bon droit heureux on dira
Celui qui de lait t'emplira,
Faisant d'un Tétin de pucelle
Tétin de femme entière et belle.
De la jeune dame qui a vieil mari
En languissant et en griève tristesse
Vit mon las coeur, jadis plein de liesse,
Puisque l'on m'a donné mari vieillard.
Hélas, pourquoi ? Rien ne sait du vieil art
Qu'apprend Vénus, l'amoureuse déesse.
Par un désir de montrer ma prouesse
Souvent l'assaus : mais il demande : " où est-ce ? ",
ou dort (peut-être), et mon coeur veille à part
En languissant.
Puis quand je veux lui jouer de finesse,
Honte me dit : " Cesse, ma fille, cesse,
Garde-t'en bien, à honneur prends égard. "
Lors je réponds : " Honte, allez à l'écart :
Je ne veux pas perdre ainsi ma jeunesse
En languissant. "
Tant que vivrai en âge florissant
Tant que vivrai en âge florissant,
Je servirai Amour, le Dieu puissant,
En faits et dits, en chansons et accords.
Par plusieurs jours m'a tenu languissant,
Mais après deuil m'a fait réjouissant,
Car j'ai l'amour de la belle au gent corps.
Son alliance,
Est ma fiance :
Son coeur est mien,
Mon coeur est sien :
Fi de tristesse,
Vive liesse,
Puisqu'en Amour a tant de bien.
Quand je la veux servir et honorer,
Quand par écrits veux son nom décorer,
Quand je la vois et visite souvent,
Les envieux n'en font que murmurer.
Mais notre Amour n'en saurait moins durer :
Autant ou plus en emporte le vent.
Maulgré envie
Toute ma vie
Je l'aimerai,
Et chanterai :
C'est la première,
C'est la dernière,
Que j'ai servie, et servirai.