Download document

CHARRIERE, Isabelle de (Belle VAN ZUYLEN)



Trois femmes

…..
M. d’Altendorf se promène par la chambre ou s’assied auprès du feu. Théobald ne s’éloigne guère de sa femme. Si vous étiez avec nous, comme je le voudrois, je vous donnerois bien souvent mon aiguille et m’irois chauffer. Théobald pourroit par fois nous faire quelque lecture, si son pere haissoit moins les livres : on dit qu’ils produisent tous sur lui le même effet qu’Adèle de Senanges. Au vrai, nous nous en passons très-bien ; il ne manque rien à nos soirées pour être très-agréables, et s’il m’arrive quelquefois de vous y trouver un peu à dire, c’est une preuve que j’ai véritablement de l’amitié pour vous. Le matin je lis, j’écris : Émilie et Josephine prennent dans ma chambre une leçon d’allemand. Mme. d’Altendorf a exigé qu’on apprît l’allemand. Émilie vouloit l’apprendre de son mari ; mais sa belle-mere a cru que la leçon ainsi prise et donnée iroit mal, et qu’il seroit même un peu triste qu’elle allât bien. C’est donc le maître d’école du village que nous avons pour maître. Émilie étudie beaucoup, mais apprend peu. Pourquoi les François et Françoises ont-ils tant de peine à apprendre une langue étrangère ? On diroit qu’ils croient déroger à la nature éternelle des choses, en appellant le pain et l’eau autrement que pain et eau, et outre qu’ils ont peine à retenir et à dire d’autres mots, ils paroissent ne pouvoir pas trop s’y résoudre.

…..