VAN DORP, Jan



Flamand des vagues

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Dans les heures qui allaient suivre, tout le sort d’Ostende, pour plusieurs mois, allait se décider. La richesse, pour quelques-uns, la ruine pour certains, la prospérité ou le malheur pour beaucoup, le pain pour presque tous, tout cela se jouait dans ce ballet gracieux et point encore mortel qui avait maintenant la mer pour théâtre.

Mais à l’instant même où allait être mis en cause une part de leur destin, il n’était aucun des hommes massés là, sur les pierres, qui fut sensible à autre chose qu’aux mouvements ailés de ces voiles ployantes, à la subtilité des manoeuvres qui s’amorçaient, aux ruses qu’ils essayaient de percevoir das les évolutions des deux flotilles.

Aux côtés de Frans, Rinus s’aplatit plus encore sur le parapet.

Au moment de la bataille imminente les sentiments des deux enfants étaient bien moins ceux qui auraient dû les étreindre en pensant à la part qu’allaient y prendre leurs pères, qu’à l’émotion tant de fois ressentie avant un combat de coqs, alors que les deux bêtes, griffant le sable de l’arène, tournent et s’observent, avant l’envol. Les femmes commencèrent à prier, sans voix, de leurs seuls lèvres, les premières à penser qu’avec la ruine, la mort approchante prenait le visage gracieux de cette pavane, qui s’entamait, au large, sous un ciel soudain devenu d’une pureté sereine.

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