DA COSTA, Mélissa



Tout le bleu du ciel

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Émile secoue la tête en se renversant sur son siège de bureau. Il n’est plus l’heure d’être sentimental et de ressasser le passé. Il faut se concentrer sur le voyage maintenant. Ce voyage, il en a eu l’idée dès qu’on lui a annoncé le verdict. Il a pris une heure ou deux pour s’effondrer, puis l’idée de voyage a germé dans son esprit. Il n’en a pas parlé. À personne. Il sait qu’on l’en empêcherait. Ses parents et sa sœur se sont empressés de l’inscrire à l’essai clinique. Le médecin a bien précisé pourtant : il ne s’agit pas de le guérir ou de le soigner, simplement d’en apprendre un peu plus sur sa maladie orpheline. Aucun intérêt pour lui. Passer ses dernières années dans une chambre d’hôpital à faire l’objet d’études médicales. Pourtant, ses parents et sa sœur ont insisté. Il sait pourquoi. Ils refusent d’accepter sa mort. Ils s’accrochent à l’espoir infime que l’essai clinique et ses observations permettent de freiner la maladie. La freiner pour quoi ? Rallonger sa vie ? Rallonger sa sénilité ? C’est déjà tout vu : il partira. Il réglera tous les détails dans le plus total des secrets, sans leur en toucher un mot, et il partira. Il a déjà trouvé le camping-car. Il a envoyé l’argent. Il récupérera le véhicule en fin de semaine. Il le stationnera sur un parking en ville, en attendant que tout soit réglé, pour ne pas éveiller les soupçons de ses parents et de sa sœur. Pour Renaud, il hésite encore. Lui en parler ? Lui demander son avis ? Il ne sait pas. Si Renaud avait été célibataire, sans enfant, tout aurait été différent. Ils seraient partis tous les deux. Ça ne fait aucun doute. Mais voilà, les choses ont changé. Renaud a sa vie, ses responsabilités. Et Émile il n’a pas envie de l’embarquer dans ses dernières errances. Pourtant, ils en ont rêvé d’aventures tous les deux. Ils se disaient : « Quand on aura fini les études, on partira avec nos tentes et nos sacs à dos dans les Alpes. » Puis Émile a rencontré Laura. Et Renaud a rencontré Laëtitia. Ils ont laissé tomber leurs envies d’évasion

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Puisqu’on ne peut pas changer la direction du vent, il faut apprendre à orienter les voiles. C'est une phrase de James Dean. Elle aime se la rappeler quand elle a besoin de croire en elle, quand les choses lui paraissent difficiles.

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