RODOR, Jean


Sous les ponts de Paris

Pour aller à Suresnes,

Ou bien à Charenton,

Tout le long de la Seine,
On passe sous les ponts.

Pendant le jour, suivant son cours,

Tout Paris en bateau défile,

L'coeur plein d'entrain, ça va, ça vient,

Mais l'soir, lorsque tout dort tranquille

Sous les ponts de Paris

Lorsque descend la nuit,

Tout's sort's de gueux se faufilent en cachette

Et sont heureux d'trouver une couchette

Hôtel du courant d'air,

Où l'on ne paye pas cher,

L'parfum et l'eau c'est pour rien, mon marquis

Sous les ponts de Paris.

À la sortie d'l'usine

Julot rencontr' Nini,

Ça va-t-il la rouquine,

C'est ta fête aujourd'hui

Prends ce bouquet, quelques brins d'muguet,

C'est peu mais c'est tout' ma fortune,

Viens avec moi, j'connais l'endroit

Où l'on craint même pas l'clair de lune

Sous les ponts de Paris

Lorsque descend la nuit

Comm' il n'a pas d'quoi s'payer un' chambrette

Un couple heureux vient s'aimer en cachette

Et les yeux dans les yeux

Faisant des rêves bleus

Julot partag' les baisers de Nini

Sous les ponts de Paris.

Rongée par la misère

Chassée de son logis

L'on voit un' pauvre mèr'

Avec ses trois petits

Sur leur chemin, sans feu ni pain,

Ils subiront leur sort atroce,

Bientôt la nuit, la maman dit :

"Enfin ils vont dormir mes gosses."

Sous les ponts de Paris

Un' mère et ses petits

Viennent dormir là tout près de la Seine

Dans leur sommeil ils oublieront leur peine

Si l'on aidait un peu

Tous les vrais miséreux

Plus de suicid's ni de crim's dans la nuit

Sous les ponts de Paris.