CARCO, Francis
Nuits d'hiver!
Nuits d’hiver ! Quel bastringue allume
Sa lanterne sur le mur ?
Un quinquet, sous le plafond, fume...
Amour, que tu es amer !
Ce n'est pas le rouge des bouches,
Ni le cerne bleu des yeux,
Ni cette musique aigre-douce...
Sais-je encor ce que je veux !
Vous dansez, collés l'un à l'autre,
En extase et malheureux.
Je vous cherche comme des mortes
Dont on m'aurait séparé.
Est-ce vous, ô filles perdues
Qui n'aimez que le plaisir
Et qui, dans les bals de banlieue
Sanglotez et frémissez ?
La mort sourit à qui l'appelle
Et s'approche en grimaçant...
Dehors, celle qu'on assassine
Pleure et se dit innocente.
N'écoutez pas le sang qui crie
Sur le gras pavé des rues.
ici, dansez bien à l'abri...
Vous n'avez pas entendu.
Nuits d'hiver! Le vent bat la flamme
Qui vacille sur le mur...
Filles folles, ô coeur d'apaches,
Couples ramassés et purs;
Tout, parmi ce bastringue louche,
Vous invite et vous sourit...
Mêlez la valse qui chaloupe
Et l'ordure au paradis.
Il pleut
Il pleut - c'est merveilleux. Je t'aime.
Nous resterons à la maison :
Rien ne nous plaît plus que nous-mêmes
Par ce temps d'arrière-saison.
Il pleut. Les taxis vont et viennent.
On voit rouler les autobus
Et les remorqueurs sur la Seine
Font un bruit ...qu'on ne s'entend plus.
C'est merveilleux : il pleut. J'écoute
La pluie dont le crépitement
Heurte la vitre goutte à goutte ...
Et tu me souris tendrement.
Je t'aime. Oh ! ce bruit d'eau qui pleure,
Qui sanglote comme un adieu.
Tu vas me quitter tout à l'heure :
On dirait qu'il pleut dans tes yeux.