POZZI, Catherine



Ave

Très haut amour, s'il se peut que je meure

Sans avoir su d'où je vous possédais.

En quel soleil était votre demeure

En quel passé votre temps, en quelle heure

Je vous aimais,


Très haut amour qui passez la mémoire,

Feu sans foyer dont j'ai fait tout mon jour,

En quel destin vous traciez mon histoire,

En quel sommeil se voyait votre gloire,

O mon séjour...


Quand je serai pour moi-même perdue

Et divisée à l'abîme infini.

Infiniment, quand je serai rompue,

Quand le présent dont je suis revêtue

Aura trahi.


Par l'univers en mille corps brisée,

De mille instants non rassemblés encor,

De cendre aux cieux jusqu'au néant vannée,

Vous referez pour une étrange année

Un seul trésor


Vous referez mon nom et mon image

De mille corps emportés par le jour,

Vive unité sans nom et sans visage.

Cœur de l'esprit, ô centre du mirage

Très haut amour.



Nyx


Ô vous mes nuits, ô noires attendues

Ô pays fier, ô secrets obstinés

Ô longs regards, ô foudroyantes nues

Ô vol permis outre les cieux fermés.


Ô grand désir, ô surprise épandue

Ô beau parcours de l’esprit enchanté

Ô pire mal, ô grâce descendue

Ô porte ouverte où nul n’avait passé


Je ne sais pas pourquoi je meurs et noie

Avant d’entrer à l’éternel séjour.

Je ne sais pas de qui je suis la proie.

Je ne sais pas de qui je suis l’amour



Vale

La grande amour que vous m’aviez donnée

Le vent des jours a rompu ses rayons

-Où fut la flamme, où fut la destinée

Où nous étions, où par la main serrée

Nous nous tenions.


Notre soleil, dont l’ardeur fut pensée

L’orbe pour nous de l’être sans second

Le second ciel d’une âme divisée

Le double exil où le double se fond


Son lieu pour vous apparaît cendre et crainte,

Vos yeux vers lui ne l’ont pas reconnu

L’astre enchanté qui portait hors d’atteinte

L’extrême instant de notre seule étreinte

Vers l’inconnu.


Mais le futur dont vous attendez vivre

Est moins présent que le bien disparu.

Toute vendange à la fin qu’il vous livre

Vous la boirez sans pouvoir être qu’ivre

Du vin perdu.


J’ai retrouvé le céleste et sauvage

Le paradis où l’angoisse est désir.

Le haut passé qui grandit d’âge en âge

Il est mon corps et sera mon partage

Après mourir.


Quand dans un corps ma délice oubliée

Où fut ton nom, prendra forme de cœur

Je revivrai notre grande journée,

Et cette amour que je t’avais donnée

Pour la douleur.