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KOWALSKI, Roger



Terres blanches


Les lances de l’hiver sont à nos portes; à leur fer éclate u feu bref.


Et nous qui sommes au déclin d’une race, au commencement d’une autre – tout va naître par le sel –


éveillons une éparse mémoire autour de l’eau sous le coudrier.


Les vanneaux de Janvier palpitent sur fond gris; nos flammes soulèveront de vaste rivages courroucés;


en ce lieu dominera la terre blanche de l’exil



Mediaires II


un soir nous avions découvert une ombre

lisse aux combes de Novembre

les vents inclinaient nos songes à loisir


je savais qu'à tes pieds flambait la mousse

une odeur de gibier épuisé

une saveur de vieux miel sur la pierre


ce jour-là nous nous étions rencontrés

sur les dalles amères du silence et dès lors

vers nous se hâtaient les oiseaux couleur d'ambre




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Nul ici parmi les feux du serpent ; nul ni rien ; la porte est close.

-Nulle retraite ; je ne sais nulle pierre creuse où vous cacher, vieux profil ;

Peut-être convient-il à grands cris de fuir,

Que l’oubli tisse en nous l’étrangère moire, qu’il veloute votre sein d’une aimable poussière,

Et s’il se peut, qu’une arme y rougeoie.

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Ce soir-là


Ce soir-là, en des temps plus anciens que l’enfance ; ce soir-là, alors que la nuit était imminente, je vis votre visage, et tel, et si profond,


à ce point vous, bien-aimée, que je rencontrai seulement bien plus tard, si divinement secret entre la branche qui frôlait les vitres


et les doigts serrant la plume, que les feux soudain s’allumèrent dans mes forêts, coururent jusqu’à la frontière occidentale,


bondirent par-dessus les rivières, les étangs, flaques de tardives pluies, me lièrent enfin pour jamais à l’arbre inquiet de votre sang.



Quelqu’un d’autre


Court est la nuit désormais;; fragile la face d’un songe; court eest l’ombre, mémorable le feu.


Garde mémoire, toi qui m’apparus un jour entre les grilles d’un poème et depuis ne m’as point quitté;


ce que j’ai tenté, un autre sans doute l’achèvera: un même flot ne façonne point le rivage.


Le temps va, ma créature, et nous-mêmes: une lèvre ardente sur notre chair dessine le profil d’un poème interrompu déjaà



La statue


Il avait dormi cette nuit-là sur les genoux d'une froide statue de marbre et d'une grandeur qui l'avait surpris. Il erra. Dans ce visage sur lui penché il entreprit un voyage dont il

ne reviendra pas de sitôt. Parvenu derrière la lourde paupière il connut le découragement, mais une voix se fit entendre : « Que vous êtes léger ! »

C'est à grands coups, et douloureux, qu'il creva la paroi : loin devant lui verdoyait un empire oublié.


Tendre sueur où je baigne ma bouche, salive obscure, aucune mer, nulle pluie, ni le verre où tremble un vin noir.


Robe, je veille; en vous l'ombre, véridique vague, ventre par notre nuit longuement soulevé; caille, ma lourde où n'est point le vieil âge, terreuse vivante.


Les bêtes rêvent derrière la haie ; quant à moi, visage où vient le tien, par la profonde faille je nais.