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MALRIEU, Jean



Portant secours à l’être à révéler,

Les mots que j’appelle s’arrêtent,

Perdent leur chair, leur consistance,

Et n’ont, pour te témoigner reconnaissance,

Jaillissant de ce texte de longue distance,

Qu’une hâte bouleversante pour rejoindre.

Je suis venu avec le printemps. Une vague se meurt.

Je suis venu avec le désir. La lumière perd ses cris.

Ma faiblesse à te nommer te rend plus belle encore.

Alors

Sois ce nuage

Pour arrêter le regard et donner plus de l’espace.

Deviens rivière

Pour allonger ton corps dans la durée

Plus léger que le vent au sommet de l’instant qui ne me soutient plus,

Je m’efface dans ta présence.


C’était hier et c’est demain
….
Cette plainte merveilleuse de l’âme, c’est l’amour.

Écoute-la. Je n’ai point d’âge, mais, nourri d’épices, chargé de sel, couvert d’humus, empli de choses à naître,

Je suis maître de moi comme d’un navire, et mon corps est un voilier d’avril, de vice, d’impudeur.

J’ose aimer et je délire.

Notre amour sent le lys et le soufre.

Désir rauque, fouette-moi de tes ronces.

Je lutte avec toi dans la broussaille.

Cherche-moi. Trouve-moi.

Les herbes giclent vert.

Nous sommes un printemps au monde,

Acharnés comme des lutteurs au-dessus de la mort.

…..


Le plus beau jour


S’il pouvait faire un temps à mettre un chien dehors

Si je pouvais avoir un cœur à fendre pierre

Si l’amour devenait plus lâche que la mort

Si nous étions des morts pour parler de la vie

Si nous étions heureux pour ne plus rien nous dire

Si nous étions vivants pour pouvoir nous aimer

Si le monde n’était pas fait pour le refaire

Si tu n’existais pas pour pouvoir t’inventer.



Les maisons de feuillages


Nous avons ensemble marché si longtemps

Que les avoines ne nous ont point quitté.

Le ruisseau nous accompagne depuis ce jour

Où l’accord se fit entre nos âmes.


Nous sommes un. C’est fête

Au coeur des arbres et la lumière

Flue, miel, baume d’abeilles

Qui donc est moi? Où commences-tu?

Je suis perdu. Je suis aimé.


Les arbres amis nous assiègent.

Nous sommes royaux. Nous passons.

La terre et le ciel se mêlent

Dans la patrie du silence.