RENAUD


Morgane de toi


Y'a un mariolle, il a au moins quatre ans

Y veut t'piquer ta pelle et ton seau

Ta couche culotte avec les bonbecs dedans

Lolita, défends-toi

Fous-y un coup d'râteau dans l'dos


Attends un peu avant de t'faire emmerder

Par ces p'tits machos qui pensent qu'à une chose

Jouer au docteur non conventionné

J'y ai joué aussi, je sais de quoi j'cause

Je les connais bien les play-boys des bacs à sable

Je draguais leurs mères avant d'connaître la tienne

Si tu les écoutes y t'feront porter leurs cartables

Heureusement que j'suis là

Que j'te regarde et que j't'aime


Lola

J'suis qu'un fantôme

Quand tu vas où j'suis pas

Tu sais ma môme

Que j'suis morgane de toi


Comme j'en ai marre de m'faire tatouer des machins

Qui m'font comme une bande dessinée sur la peau

J'ai écrit ton nom avec des clous dorés

Un par un, plantés dans le cuir de mon blouson dans l'dos


T'es la seule gonzesse que j'peux tenir dans mes bras

Sans m'démettre une épaule, sans plier sous ton poids

Tu pèses moins lourd qu'un moineau qui mange pas

Déploie jamais tes ailes, Lolita t'envole pas

Avec tes miches de rat qu'on dirait des noisettes

Et ta peau plus sucrée qu'un pain au chocolat

Tu risques de donner faim a un tas de p'tits mecs

Quand t'iras à l'école, si jamais t'y vas


Lola

….

Qu'est-ce que tu m'racontes, tu veux un p'tit frangin

Tu veux qu'je t'achète un ami Pierrot

Eh les bébés ça se trouve pas dans les magasins

Et j'crois pas que ta mère voudra qu'je lui fasse un petit dans l'dos


Ben quoi Lola, on n'est pas bien ensemble

Tu crois pas qu'on est déjà bien assez nombreux

T'entends pas ce bruit, c'est le monde qui tremble

Sous les cris des enfants qui sont malheureux

Allez viens avec moi, je t'embarque dans ma galère

Dans mon arche y'a d'la place pour tous les marmots

Avant qu'ce monde devienne un grand cimetière

Faut profiter un peu du vent qu'on a dans l'dos


Lola

…..


Les bobos


On les appelle bourgeois bohêmes

Ou bien bobos pour les intimes

Dans les chanson de Vincent Delerm

On les retrouve à chaque rime


Ils sont une nouvelle classe

Après les bourges et les prolos

Pas loin des beaufs, quoique plus classe

J'vais vous en dresser le tableau


Sont un peu artistes, c'est déjà ça

Mais leur passion c'est leur boulot

Dans l'informatique, les médias

Sont fiers de payer beaucoup d'impôts


Les bobos, les bobos

Les bobos, les bobos


Ils vivent dans les beaux quartiers

Ou en banlieue mais dans un loft

Ateliers d'artistes branchés

Bien plus tendance que l'avenue Foch


Ont des enfants bien élevés

Qui ont lu le Petit Prince à six ans

Qui vont dans des écoles privées

Privées de racaille, je me comprends


Ils fument un joint de temps en temps

Font leurs courses dans les marchés bios

Roulent en quatre quatre mais le plus souvent

Préfèrent se déplacer à vélo


Les bobos, les bobos

Les bobos, les bobos


Ils lisent Houellebecq ou Philippe Djian

Les Inrocks et Télérama

Leur livre de chevet c'est Cioran

Près du catalogue Ikea


Ils aiment les restos japonais

Et le cinéma coréen

Passent leurs vacances au Cap Ferret

La Côte d'Azur, franchement ça craint


Ils regardent surtout ARTE

Canal+, c'est pour les blaireaux

Sauf pour les matchs du PSG

Et de temps en temps un petit porno


Les bobos, les bobos

Les bobos, les bobos


Ils écoutent sur leur chaîne hi-fi

France Info toute la journée

Alain Bashung, Françoise Hardy

Et forcement Gérard Manset


Ils aiment Desproges sans même savoir

Que Desproges les détestait

Bedos et Jean Marie Bigard

Même s'ils ont honte de l'avouer


Ils aiment Jack Lang et Sarkozy

Mais votent toujours Ecolo

Ils adorent le maire de Paris

Ardisson et son pote Marco


Les bobos, (qui ça) les bobos

Les bobos (où ça) les bobos


La femme se fringue chez Diesel

Lui c'est Armani ou Kenzo

Pour leur cachemire toujours nickel

Zadig & Voltaire, je dis bravo


Ils fréquentent beaucoup les musées

Les galeries d'art, les vieux bistrots

Boivent de la Manzana glacée

En écoutant Manu Chao


Ma plume est un peu assassine

Pour ces gens que je n'aime pas trop

Par certains côtés, j'imagine

Que je fais aussi partie du lot


Les bobos, les bobos

Les bobos, les bobos



Mistral Gagnant

A m'asseoir sur un banc cinq minutes avec toi
Et regarder les gens tant qu'y en a
Te parler du bon temps qu'est mort ou qui r'viendra

En serrant dans ma main tes p'tits doigts
Pis donner à bouffer à des pigeons idiots
Leur filer des coups d' pieds pour de faux
Et entendre ton rire qui lézarde les murs
Qui sait surtout guérir mes blessures
Te raconter un peu comment j'étais mino
Les bonbecs fabuleux qu'on piquait chez l' marchand
Car-en-sac et Minto, caramel à un franc
Et les mistrals gagnants

A r'marcher sous la pluie cinq minutes avec toi
Et regarder la vie tant qu'y en a
Te raconter la Terre en te bouffant des yeux
Te parler de ta mère un p'tit peu
Et sauter dans les flaques pour la faire râler
Bousiller nos godasses et s' marrer
Et entendre ton rire comme on entend la mer
S'arrêter, r'partir en arrière
Te raconter surtout les carambars d'antan et les cocos bohères
Et les vrais roudoudous qui nous coupaient les lèvres
Et nous niquaient les dents
Et les mistrals gagnants

A m'asseoir sur un banc cinq minutes avec toi
Et regarder le soleil qui s'en va
Te parler du bon temps qu'est mort et je m'en fou
Te dire que les méchants c'est pas nous
Que si moi je suis barge, ce n'est que de tes yeux
Car ils ont l'avantage d'être deux
Et entendre ton rire s'envoler aussi haut
Que s'envolent les cris des oiseaux
Te raconter enfin qu'il faut aimer la vie
Et l'aimer même si le temps est assassin
Et emporte avec lui les rires des enfants
Et les mistrals gagnants
Et les mistrals gagnants



Toujours debout

Toujours vivant, rassurez-vous
Toujours la banane toujours debout
J'suis retapé, remis sur pieds
Droit sur mes guibolles ressuscité
Tous ceux qui tombent autour de moi
C'est l'hécatombe, c'est Guernica
Tous ceux qui tombent, tombent à tour de bras
Et moi je suis toujours là

Toujours vivant, rassurez-vous
Toujours la banane, toujours debout
Il est pas né ou mal barré
Le crétin qui voudra m'enterrer
J'fais plus les télés, j'ai même pas internet
Arrêté de parler aux radios, aux gazettes
Ils m'ont cru disparu, on me croit oublié
Dites à ces trous du cul, j'continue d'chanter

Et puis tous ces chasseurs de primes
Paparazzis en embuscade
Qui me dépriment, et qui n'impriment
Que des ragots, que des salades
Toutes ces rumeurs sur ma santé
On va pas en faire une affaire
Et que celui qui n'a jamais titubé
Me jette la première bière

Toujours vivant, rassurez-vous

Toujours la banane, toujours debout
Il est pas né ou mal barré
L'idiot qui voudrait m'remplacer
Je dois tout l'temps faire gaffe
Derrière chaque buisson
A tous ces photographes
Qui vous prennent pour des cons
Ceux-là m'ont enterré
Un peu prématuré
Dites à ces enfoirés j'continue d'chanter

Mais je n'vous ai jamais oublié
Et pour ceux à qui j'ai manqué
Vous les fidèles, je reviens vous dire merci
Vous m'avez manqué vous aussi
Trop content de vous retrouver
Je veux continuer nom de nom
Continuer à écrire et à chanter
Chanter pour tous les sauvageons

Toujours vivant, rassurez-vous
Toujours la banane, toujours debout
Il est pas né ou mal barré
Le couillon qui voudra m'enterrer
Depuis quelques années, je me suis éloigné
Je vis près des lavandes sous les oliviers
Ils m'ont cru disparu, on me croit oublié
Ces trous du cul peuvent continuer d'baver
Moi sur mon p'tit chemin j'continue d'chanter


En cloque

Elle a mis sur l' mur

Au dessus du berceau

Une photo d'Arthur

Rimbaud

Avec ses cheveux en brosse

Elle trouve qu'il est beau

Dans la chambre du gosse

Bravo

Déjà les petits anges

Sur le papier peint

J' trouvais ça étrange

J' dis rien

Elle me font marrer

Ses idées loufoques

Depuis qu'elle est

En cloque

Elle s' réveille la nuit

Veut bouffer des fraises

Elle a des envies

Balaises

Moi, j' suis aux petits soins

J' me défonces en huit

Pour qu'elle manque de rien

Ma petite

C'est comme si j' pissais

Dans un violoncelle

Comme si j'existais

Plus pour elle

Je m' retrouve planté

Tout seul dans mon froc

Depuis qu'elle est

En cloque

Le soir elle tricote

En buvant d' la verveine

Moi j' démêle ses pelotes

De laine

Elle use les miroirs

A s' regarder dedans

A s' trouver bizarre

Tout le temps

J' lui dit qu'elle est belle

Comme un fruit trop mûr

Elle croit qu' je m' fous d'elle

C'est sûr

Faut bien dire s' qu'y est

Moi aussi j' débloque

Depuis qu'elle est

En cloque

Faut qu' j' retire mes grolles

Quand j' rentre dans la chambre

Du petit rossignol

Qu'elle couve

C'est qu' son petit bonhomme

Qu'arrive en Décembre

Elle le protège comme

Une louve

Même le chat pépère

Elle en dit du mal

Sous prétexte qu'il perd

Ses poils

Elle veut plus l' voir traîner

Autour du paddock

Depuis qu'elle est

En cloque

Quand j' promène mes mains

D' l'autre côté d' son dos

J' sens comme des coups de poings

Ça bouge

J' lui dis "t'es un jardin"

"Une fleur, un ruisseau"

Alors elle devient

Toute rouge

Parfois c' qu'y m' désole

C' qu'y fait du chagrin

Quand j' regarde son ventre

Puis l' mien

C'est qu' même si j' devenais

Pédé comme un phoque

Moi j' serai jamais

En cloque