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VILLIERS DE L’ISLE-ADAM, Auguste de



Contes cruels

Les Demoiselles de Bienfilâtre

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Un long couloir, parallèle à celui d’en bas, séparait de celle de mon hôte la chambre qui m’était destinée : — il insista pour m’y installer lui-même. Nous y entrâmes ; il regarda s’il ne me manquait rien et comme, rapprochés, nous nous donnions la main et le bonsoir, un vivace reflet de ma bougie tomba sur son visage. — Je tressaillis, cette fois !

Était-ce un agonisant qui se tenait debout, là, près de ce lit ? La figure qui était devant moi n’était pas, ne pouvait pas être celle du souper ! Ou, du moins, si je la reconnaissais vaguement, il me semblait que je ne l’avais vue, en réalité, qu’en ce moment-ci. Une seule réflexion me fera comprendre : l’abbé me donnait, humainement, la seconde sensation que, par une obscure correspondance, sa maison m’avait fait éprouver.

La tête que je contemplais était grave, très pâle, d’une pâleur de mort, et les paupières étaient baissées. Avait-il oublié ma présence ? Priait-il ? Qu’avait-il donc à se tenir ainsi ? — Sa personne s’était revêtue d’une solennité si soudaine que je fermai les yeux. Quand je les rouvris, après une seconde, le bon abbé était toujours là, — mais je le reconnaissais maintenant ! — À la bonne heure ! Son sourire amical dissipait en moi toute inquiétude. L’impression n’avait pas duré le temps d’adresser une question. Ç’avait été un saisissement, — une sorte d’hallucination.

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