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BAUDRILLARD, Jean



Simulacre et simulations

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1. Au lieu de faire communiquer, elle s’épuise dans la mise en scène de la communication. Au lieu de produire du sens, elle s’épuise dans la mise en scène du sens. Gigantesque processus de simulation que nous connaissons bien. L’interview non directif, la parole, les téléphones d’auditeurs, la participation tous azimuts, le chantage à la parole : « Vous êtes concernés, c’est vous l’événement, etc. » De plus en plus l’information est envahie par cette sorte de contenu fantôme, de greffe homéopathique, de rêve éveillé de la communication. Agacement circulaire où on met en scène le désir de la salle, anti-théâtre de la communication, qui, comme on sait, n’est jamais que le recyclage en négatif de l’institution traditionnelle, le circuit intégré du négatif. Immenses énergies déployées pour tenir à bout de bras ce simulacre, pour éviter la dissimulation brutale qui nous confronterait à l’évidente réalité d’une perte radicale du sens.

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2. Derrière cette mise en scène exacerbée de la communication, les mass-media, l’information au forcing poursuivent une irrésistible destructuration du social. Ainsi l’information dissout le sens et dissout le social, dans une sorte de nébuleuse vouée non pas du tout à un surcroît d’innovation, mais tout au contraire à l’entropie totale. Ainsi les media sont effecteurs non pas de la socialisation, mais juste à l’inverse de l’implosion du social dans les masses. Et ceci n’est que l’extension macroscopique de l’implosion du sens au niveau microscopique du signe.

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Les mass-media sont-ils du côté du pouvoir dans la manipulation des masses, ou sont-ils du côté des masses dans la liquidation du sens, dans la violence faite au sens et dans la fascination ? Est-ce que ce sont les media qui induisent les masses à la fascination, ou est-ce que ce sont les masses qui détournent les media dans le spectaculaire ? Mogadiscio-Stammheim : les media se font le véhicule de la condamnation morale du terrorisme et de l'exploitation de la peur à des fins politiques, mais simultanément, dans la plus totale ambigüité, ils diffusent la fascination brute de l'acte terroriste, ils sont eux-mêmes terroristes, dans la mesure où ils marchent eux-mêmes à la fascination. Les media charrient le sens et le contresens, ils manipulent dans tous les sens à la fois, nul ne peut contrôler ce procesus, ils véhiculent la simulation interne au système et la simulation destructrice du système, selon une logique absolument moebienne et circulaire, -et c'est bien comme ça. Il n'y a pas d'alternative à cela, pas de résolution logique. Seule une exacerbation logique et une résolution catastrophique.

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