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MAETERLINCK, Maurice


Serre d'ennui


O cet ennui bleu dans le coeur !

Avec la vision meilleure,

Dans le clair de lune qui pleure,

Et mes rêves bleus de langeur !


Cet ennui bleu comme la serre,

Où l'on voit closes à travers

Les vitrages profonds et verts,

Couvertes de lune et de verre;


Les grandes végétations

Dont l'oubli nocturne s'allonge,

Immobilement comme un songe,

Sur les roses des passions;


Où de l'eau très lente s'élève,

En mêlant la lune et le ciel

En un sanglot glauque éternel,

Monotonement comme un rêve.



Heures ternes


Voici d'anciens désirs qui passent,

Encor des songes de lassés,

Encor des rêves qui se lassent ;

Voilà les jours d'espoir passés !


En qui faut-il fuir aujourd'hui !

Il n'y a plus d'étoile aucune :

Mais de la glace sur l'ennui

Et des linges bleus sous la lune.


Encor des sanglots pris au piège !

Voyez les malades sans feu,

Et les agneaux brouter la neige ;

Ayez pitié de tout, mon Dieu !


Moi, j'attends un peu de réveil,

Moi, j'attends que le sommeil passe,

Moi, j'attends un peu de soleil

Sur mes mains que la lune glace.



Visions


Je vois passer tous mes baisers,

Toutes mes larmes dépensées;

Je vois passer dans mes pensées

Tous mes baisers désabusés.


C'est des fleurs sans couleur aucune,

Des jets d'eau bleus à l'horizon,

De la lune sur le gazon,

Et des lys fanés dans la lune.


Lasses et lourdes de sommeil,

Je vois sous mes paupières closes,

Les corbeaux au milieu des roses,

Et les malades au soleil,


Et lent sur mon âme indolente,

L'ennui de ces vagues amours

Luire immobile et pour toujours,

Comme une étoile pâle et lente.