VILLIERS-DE L’ISLE-ADAM, Auguste de
Adieu
Un vertige épars sous tes voiles
Tenta mon front vers tes bras nus.
Adieu, toi par qui je connus
L’angoisse des nuits sans étoiles !
Quoi ! ton seul nom me fit pâlir !
— Aujourd’hui sans désirs ni craintes,
Dans l’ennui vil de tes étreintes
Je ne veux plus m’ensevelir.
Je respire le vent des grèves,
Je suis heureux loin de ton seuil :
Et tes cheveux couleur de deuil
Ne font plus d’ombre sur mes rêves.
Rencontre
Tu secouais ton noir flambeau ;
Tu ne pensais pas être morte ;
J’ai forgé la grille et la porte
Et mon cœur est sûr du tombeau.
Je ne sais quelle flamme encore
Brûlait dans ton sein meurtrier
Je ne pouvais m’en soucier :
Tu m’as fait rire de l’aurore.
Tu crois au retour sur les pas ?
Que les seuls sens font les ivresses ?...
Or, je bâillais en tes caresses :
Tu ne ressusciteras pas.
Les Présents
Si tu me parles, quelque soir,
Du secret de mon cœur malade
Je te dirai, pour t’émouvoir
Une très ancienne ballade.
Si tu me parles de tourment,
D’espérance désabusée
J’irai te cueillir, seulement,
Des roses pleines de rosée.
Si, pareille à la fleur des morts
Qui se plaît dans l’exil des tombes,
Tu veux partager mes remords...
Je t’apporterai des colombes.
Éblouissement
La nuit, sur le grand mystère,
Entrouvre ses écrins bleus :
Autant de fleurs sur la terre
Que d'étoiles dans les cieux!
On voir ses ombres dormantes
S'éclairer, à tous moments,
Autant par les fleurs charmantes
Que par les astres charmants.
Moi, ma nuit au sombre voile
N'a, pour charme et pour clarté,
Qu'une fleur et qu'une étoile :
Mon amour et ta beauté !
L'Aveu
J'ai perdu la forêt, la plaine,
Et les frais avrils d'autrefois...
Donne tes lèvres : leur haleine,
Ce sera le souffle des bois !
J'ai perdu l'Océan morose,
Son deuil, ses vagues, ses échos ;
Dis-moi n'importe quelle choses :
Ce sera la rumeur des flots.
Lourd d'une tristesse royale,
Mon front songe aux soleils enfouis...
Oh ! cache-moi dans ton sein pâle !
Ce sera le calme des nuits !