SARRAZIN, Albertine



Lorsque je n'aurai plus


Lorsque je n'aurai plus les saxophones noirs

Je volerai la danse aux échos des kermesses

Lorsque sur le compte d'un conte de jeunesse

J'offrirai la tournée aux tendres au revoirs


Lorsque j'aurai un peu reniflé les printemps

Et tendu cette main qu'épelle la justice

Et de l'autre en riant dans le fauve calice

Lorsque j'aurai lavé les pieds joueurs du temps


Lorsque s'affranchira la terre en paradis

Je languirai pourtant les ivresses finales

Lorsque j'irai m'étendre aux genoux des étoiles

Lorsque j'oublierai la soif et l'oasis



Nous nous étions


Nous nous étions promis retour à la Saint-Jean

Pour marier d'amour nos routes vagabondes

Tu me reviendrais pâle avec les lèvres blondes

Toute peine finie avec le long printemps


Sous ma tranquillité cachant le bel émoi

Je m'étais maquillée à l'air des longs voyages

Mais au bar le miroir dénonça nos visages

Lorsque tu m'apparus debout derrière moi


La joie étincela au contact de nos mains

Et nous sommes allés filant la Fantaisie

Jetant à travers champs l'éternité choisie

Pour qu'elle nous revînt au bout des lendemains


Les amants ont franchi les feux porte-bonheur

Ils dorment souriants l'aube les illumine

Les yeux clos tu conduis mes doigts vers ta poitrine

Et je griffe des majuscules sur ton coeur


Verona lovers


Sur les frais oreillers de marbre ciselé

Où fane un lourd feston de corolles savantes

Se confondent sans fin les amants aux amantes

Qui se sont fait mourir du verbe ensorcelé


Avares du vieillir , Ô vous enviez-les

D'avoir sur le tremplin des extases si lentes

Laissé ce million de minutes naissantes

Et bien royalement le monde tel qu'il est


Cette nuit là comme ils s'aimèrent sans mensonges

Quelque pouce géant dans sa toute bonté

A fait rouler leurs yeux hors des coffres du songe


Cependant que très loin sur les terres bénies

Les violons têtus enchantaient les Asies

Et riaient de tendresse leurs divinités



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Tu étais mon amant tu demeures mon maître

Et cette certitude est chère infiniment

Savoir que n’importe où et n’importe comment

Nos yeux sauront un jour enfin se reconnaître


Oui nous étions cruels et soucieux de l’être

Au répit que la vie accorda un moment

Et notre long exil se baigne maintenant

A cet amour blessé avant même de naître


Délivré à jamais des sombres violences

Mon corps émerveillé rêve sous les silences

En écoutant jaillir et chantonner mon cœur


Car je sais qu’à la joie est une étroite porte

Qu’il faut pour mériter la tranquille douceur

Aux privilégiés une épreuve plus forte