LECLERC, Félix



La Présence


Tu dis que le traîneau de nos amours

Est dans la cour;

Je regarde dehors

Et ne vois que la mort,


Tu dis qu'au grand galop notre cheval

Est revenu;

Des bergers qui l'ont vu

L'ont ramené de mal...


Ni cheval ni traîneau dehors

Ni foulard sur la neige,

Pourquoi troubler mon pauvre corps

Avec tes sortilèges?


Tu dis que le gazon dessous la glace

Est resté vert;

Je creuse à cette place

Ce n'est que foin amer.


Tu dis que la chaloupe, la nuit,

Fait des chansons;

La chaloupe est au fond,

Chez les noyés, ma mie....


Peut-être que les feux de bûches

Et notre maison blanche

Peut-être que le miel, la huche

Étaient de faux dimanches....


Tu t'obstines à trouver que les rosiers

N'ont pas changé,

L'hiver les a brisés,

L'hiver les a gelés.


Comme la feuille rouge que le vent

A emportée.

Les fées s'en sont allées.

Sur un nuage blanc.


Tu me dis que rien n'est fini

Et que tout recommence,

Que le mois d'août est sur le lit

Entouré de silences.


Si je vois le printemps venir derrière

Mes rideaux

Je croirai ton traîneau

Ton cheval et ta mer.


Si les sources ramènent les grenouilles

Dans l'étang

Je prendrai deux quenouilles

Et ferai un serment.


Le serment de l'aimer toujours

Malgré les poudreries.

Le serment de croire en ce jour

Qu'ils soit d'or ou de gris.


Tu apportes dans mon grenier

Le rêve qu'il me faut

Comme la douce sève

Qui nourrit l'arbrisseau.


Si jamais tu t'en vas, ma mie,

Je m'en irai aussi....