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REVEL, Jean-François



La grande parade

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Au contraire, en 1919, pour la première fois depuis la chute de l’empire romain, des négociations paneuropéennes, destinées à réorganiser de fond en comble les structures politiques du Vieux continent, eurent pour chef d’orchestre et inspirateur le président d’une puissance extra-européenne : Woodrow Wilson. Cela tenait, bien sûr, à ce que le camp vainqueur avait gagné grâce à l’Amérique, qui, par son intervention, avait renversé le cours de l’histoire européenne et imposé ensuite ses solutions lors de la paix. Par dessus le marché, le traité de Versailles fut un échec. Il ne reconstruisit pas un nouvel équilibre. En fait, les Premières et Deuxième Guerres mondiales ne constituent qu’une seule et même longue guerre, en deux parties, séparées par un armistice tendu et précaire. Ce fut une immense et suicidaire guerre civile, qui a dégénéré par deux fois en guerre mondiale. L’impuissance des européens à résoudre leurs propres problèmes de relations diplomatiques entre eux devenait patente. De plus, alors que de 1815 à 1914 l’Europe avait progressé lentement mais continûment vers davantage de démocratie, l’entre-deux guerres se solda par une gigantesque régression de la liberté et par l’émergence des grands et petits totalitarismes – innovation européenne de notre siècle – à Moscou, Rome, Berlin, Madrid, Vichy. Si la civilisation européenne échappa de peu à l’autodestruction, elle n’en apparut pas moins durant tout le siècle inapte à se gouverner, du moins en tant qu’ensemble continental.

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