LAVOUE, Jean


L’exode


Si tu veux écrire

Pars

Quitte tes habitudes

Tes ferveurs routinières

Prends ton bâton de pèlerin

Trouve ta solitude

Adresse-toi au vent

A la pluie

Aux grands espaces

Au soleil.


La rivière de Pont-l’Abbé

Jusqu’où m’invites-tu rivière fraternelle à me couler en toi

Jusqu’où m’emportes-tu entre les berges de ton silence

Vers quelle île engloutie me fais-tu remonter jusqu’aux sources de vivre ?


Je contemple en marchant tes vases de lumière

J’y lis d’étranges signes m’épelant ton secret

Un fil de haut lignage, de forces reposées, de marées insoumises


Par rocs et bruyères tu entreprends ma terre et tu l’invites à se livrer

Tu rêves d’océan, d’envol de goélands vers tes odes natives

Au vent de l’inconnu tu ne peux résister car tu ne sais que te donner


Je suis ici de mon enfance et j’apprends à me taire pour être plus vivant

Même sous tes eaux calmes tu portes en toi le large et mes désirs d’envols

Tu es l’amante du matin, petite sœur des libellules, ô ma princesse aux yeux de nuit


Tu m’orientes et je te célèbre en cortège de branches aux nichées d’oiseaux vives

Je me laisse tomber à la racine de nos âmes d’où nous contemplons la cime

Nous sommes de la même sève, libres et secourables, et simples avec nous-mêmes


Nous franchissons des ponts en coulées souveraines sans même nous retourner

Rien ne t’arrête au port, à peine les moulins dont les meules te défient

Nous sommes de tous remparts la clairière qui s’ouvre et la trouée fertile


Aucune saison jamais ne sera trop somptueuse pour t’offrir son écrin

Que mon chant aille se perdre en tes flancs soleilleux loin des tumultes de la ville

Qu’ensemble nous trouvions le courant de la joie et notre souffle et notre rythme

Notre demeure des hauts fonds, notre défaite consentie, notre présence sans limites.