OSTER, Pierre


Dix-septième poème
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Le ciel sur les hauteurs a l'éclat d'une rose qu'on cueille.

Le vent siffle, murmure. Une plume d'oiseau tombe de feuille en feuille.

Et, sans un mot, dès le matin, je me lève et j'adresse mes pas

Vers un jardin que je connais, que le soleil n'ignore pas !

L'herbe est moins noire. C'est le jour. C'est l'ultime gelée.

J'offre ma bouche vide à la nuit qui fut vaine et salée !

Le vent m'incite à tout sentir comme un triomphe ou comme un don,

À me confondre avec le jour, puisque le jour est bon,

Puisque j'ai découvert, posté sur le seuil d'une grange.

Un grand arbre, qui me domine, qui sous sa puissance me range!

La mer au loin s'emporte et les rocs braveront son courroux.

L'acre brume des prés voile très doucement le ciel teinté de roux.

L'air se réchauffe quand je souffle ! El le vent perpétue,

Il fait sonner, sur les chemins, une parole que j'ai tue.

La marée envahit les champs par lesquels j'allais et venais,

Entremêle des bouts de corde ou des lambeaux de harnais,

Courbe avec majesté l'herbe qui brillera dans l'aube printanière !

Et tandis que le jour apparaît au milieu d'une ornière,

L'on peut entendre, qui recommence et roule àI l'occident,

Le sombre orage que j'augurais en contemplant le ciel ardent !

Le siège des dieux les plus hauts ressemble au pays que je scrute.

Il n'est que de songer pour être transporté sur une côte abrupte.

Des oiseaux bougent près des maisons, des buissons, des récifs.

I J'appelle la tempête et m'enfuis sous les chênes massifs.

Que le soleil soit offusqué par quelque nuage qui passe

Ou que des profondeurs on le hisse à la fin comme une nasse,

Je surprends sur la mousse innocente, où j'aime à me coucher.

Des pétales que je défroisse et des fleurs de pêcher.

Le désir me tient en éveil... Je vois s'animer les feuillages.

L'odeur qui monte de la mer entoure les villages.

Se répand au-dessus de l'abîme, au-dessus des roseaux !

La brise rafraîchit, rafraîchit l'apparence éternelle des eaux.

Sous mon regard le seul jardin se remplit d'une flamme subite.

Le souvenir d'un sourire accroît la force qui m'habite.

Au nom des dieux, des dieux obscurs, des dieux qui régnent sur la cour,

Je me recueille pour accueillir intimement le jour !

Des armes gisent dans les taillis, dans la broussaille.

Un cri retentit sur les toits, dont toute la terre tressaille.

Tel chemin creux doit m'inspirer un chant plus rude et plus nu

Que les cailloux que mon pied heurte à la corne d'un hois inconnu !

À la corne du même bois, une étoile s'embrase et vacille...

Dans l'herbe qui me ravit, je ramasse une courte faucille

Et, contournant pour mon plaisir ce qui reste des murs d'un lavoir.

J'ordonne aux sources comme aux ruisseaux de s'émouvoir !

Que les eaux sourdent lorsque le ciel, lorsque le temps se brouille,

Lorsque avec peine je repousse une porte que ronge la rouille,

lorsqu'une voix m'enchante et m'entraîne au plus noir d'un hallier...

Les astres ni la nuit ne sont rien que je puisse oublier.

Le jour s'infiltre pudiquement dans des maisons que je devine

Et la plainte que j'écoutais devient une plainte divine.

Le ciel matinal se pommelle. A ma droite, un cheval gris et blanc

Me masque un moment le soleil qui luisait sur son flanc!

Je songe encore à la nuit... Je songe au silence panique

Qui dans la nuit me pénétrait des secrets que la nuit communique !

Autour des rocs la mer circule et je sais que mes songes sont vrais.

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