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MOR É AS, Jean


Lorsque sous la rafale

Lorsque sous la rafale et dans la brume dense,

Autour d'un frêle esquif sans voile et sans rameurs,

On a senti monter les flots pleins de rumeurs

Et subi des ressacs l'étourdissante danse,

Il fait bon sur le sable et le varech amer

S'endormir doucement au pied des roches creuses,

Bercé par les chansons plaintives des macreuses,

A l'heure où le soleil se couche dans la mer.



Nevermore


Le gaz pleure dans la brume,

Le gaz pleure, tel un oeil.

- Ah ! prenons, prenons le deuil

De tout cela que nous eûmes.


L'averse bat le bitume,

Telle la lame l'écueil.

- Et l'on lève le cercueil

De tout cela que nous fûmes.


Ô n'allons pas, pauvre soeur,

Comme un enfant qui s'entête,

Dans l'horreur de la tempête


Rêver encor de douceur,

De douceur et de guirlandes,

- L'hiver fauche sur les landes.



Parmi les marronniers,...


Parmi les marronniers, parmi les

Lilas blancs, les lilas violets,

La villa de houblon s'enguirlande,

De houblon et de lierre rampant.

La glycine, des vases bleus pend ;

Des glaïeuls, des tilleuls de Hollande.


Chère main aux longs doigts délicats,

Nous versant l'or du sang des muscats,

Dans la bonne fraîcheur des tonnelles,

Dans la bonne senteur des moissons,

Dans le soir, où languissent les sons

Des violons et des ritournelles.


Aux plaintifs tintements des bassins

Sur les nattes et sur les coussins,

Les paresses en les flots des tresses.

Dans la bonne senteur des lilas

Les soucis adoucis, les coeurs las

Dans la lente langueur des caresses.



Mélusine


Les papemors dans l’air violet,

Vont, et blonds et blancs comme du lait.

Blonde suis, blanche comme du lait,

En gone de velours violet.

Les diaspes et les caldonies

Dardent sur mes tresses infinies.

Mes pers yeux, mirances infinies,

Fanent diaspes et caldonies.

Feuilles et pétales parfumés,

Montent, montent les rosiers ramés,

Ainsi que fleurs aux rosiers ramés,

À mon buste mes seins parfumés.



Ô Mer immense


Ô mer immense, mer aux rumeurs monotones,

Tu berças doucement mes rêves printaniers ;

Ô mer immense, mer perfide aux mariniers,

Sois clémente aux douleurs sages de mes automnes.


Vague qui viens avec des murmures câlins

Te coucher sur la dune où pousse l'herbe amère,

Berce, berce mon coeur comme un enfant sa mère,

Fais-le repu d'azur et d'effluves salins.


Loin des villes, je veux sur les falaises mornes

Secouer la torpeur de mes obsessions,

- Et mes pensers, pareils aux calmes alcyons,

Monteront à travers l'immensité sans bornes.



Belle lune d’argent


Belle lune d'argent, j'aime à te voir briller

Sur les mâts inégaux d'un port plein de paresse,

Et je rêve bien mieux quand ton rayon caresse,

Dans un vieux parc, le marbre où je viens m'appuyer.


J'aime ton jeune éclat et tes beautés fanées,

Tu me plais sur un lac, sur un sable argentin,

Et dans la vaste nuit de la plaine sans fin,

Et dans mon cher Paris, au bout des cheminées.